Atteignant presque 100 millions d’euros, le chef d’oeuvre de Gustav Klimt devient l’oeuvre d’art la plus chère jamais vendue aux enchères en Europe.
Image en couverture : La Dame à l’éventail (1918) – Gustav Klimt / © Sotheby’s
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Une vente exceptionnelle chez Sotheby’s
Il y avait de très belles oeuvres lors de la vente “Modern and Contemporary Evening Auction” de Sotheby’s, le mardi 27 juin 2023. Sans faire une liste exhaustive, on peut retenir :
- Le Buste de Diego au col roulé, d’Alberto Giacometti, adjugé à 5 565 200 livres sterling (incluant les frais)
- Le tableau de Lucian Freud “Night Interior” a lui trouvé acquéreur contre 9 586 700 livres sterling
- Le tableau “Mornington Crescent” de Frank Auerbach vendu 5 565 200 livres sterlin
- “Madame Lili Grenier” de Henri de Toulouse-Lautrec, cédé en dessous des estimations basses à seulement 580 000 livres sterling (avant les frais)
- La “Femme à la robe jaune” de Tamara de Lempicka, vendue 2 589 000 livres sterling
- Ou encore cette magnifique toile de Wassily Kandinsky, “Winter near Urfeld”, vendue également 2 589 000 livres sterling

La Dame à l’éventail de Klimt bat un nouveau record
Mais le clou de la vente a été sans conteste le tableau La Dame à l’éventail, peinte entre 1917 et 1918 par Gustav Klimt (1862-1918). Une oeuvre carré, aux dimensions de 100,2 sur 100,2 cm, qui avait été découverte sur l’un des chevalets du maître, dans son atelier, après sa mort. Le vendeur du jour avait acquis la toile 11,7 millions de dollars chez Sotheby’s (à New York) en 1994.
Une oeuvre estimée 65 millions de livres sterling avant la vente (environ 75,7 millions d’euros). Et la toile a dépassé les attentes, et est devenue la plus chère œuvre d’art vendue aux enchères en Europe, après avoir été adjugée 74 000 000 livres sterling, soit 85 305 800 livres sterling après les frais. En euro, au cours euro/livres en vigueur au moment de l’enchères, la toile de Klimt atteint donc 99 214 540€.

Ce chef d’oeuvre de Klimt dépasse le record européen précédant, détenu par L’Homme qui marche d’Alberto Giacometti, adjugé 65 millions de livres sterling en 2010, déjà chez Sotheby’s, et déjà à Londres.
Pour présenter et décrire la pièce de Klimt, Sotheby’s ne masquait pas d’ailleurs son enthousiasme :
“L’exquise Dame mit Fächer (La Dame à l’éventail en français) fait partie des meilleures œuvres de Klimt et d’un groupe de peintures que Klimt a réalisées dans les années précédant directement sa mort en 1918 et qui peuvent être considérées comme l’aboutissement de sa vision artistique mature.
La toile combine de riches motifs orientaux avec la touche humaine délicate et lumineuse qui rend les portraits de Klimt si recherchés. Techniquement accomplie, elle révèle l’artiste explorant une nouvelle approche de la couleur et de la forme, tout en conservant la remarquable expressivité qui élève ses portraits au-dessus de ceux de ses contemporains. Comme l’a écrit la critique contemporaine Bertha Zuckerkandl à propos de ses femmes, c’est “un extrait sublime du type féminin […] capturé dans un style pur.”
Cette notion transcendantale de la féminité – l’éternel féminin – a eu un long héritage, inspirant des générations d’artistes et certaines des œuvres les plus célèbres jamais peintes. Klimt embrasse cet idéal tout en le modernisant. Ses femmes sont belles, et les portraits sans nom en particulier sont archétypaux, mais ses représentations sont pleines de complexité et de nuances. Ses femmes expriment le caractère et l’indépendance, tandis que leurs corps suggèrent la passivité ; leurs visages noli me tangere créent une distance, tandis que la souplesse de leur peau évoque un érotisme latent.
Ces contradictions résument à bien des égards la position des femmes dans la société viennoise de la fin du siècle. Au fur et à mesure que la société évoluait, avec des éléments plus radicaux encourageant l’égalité entre les sexes – et même la discussion sur le désir féminin – la représentation des femmes s’est centrée sur un paradoxe Madone/putain dans lequel les femmes ne pouvaient être que saintes ou pécheresses. L’art de Klimt, moderne à la fois dans sa forme et dans sa sensibilité, s’affranchit de ces dichotomies.”
Il faut toutefois noter qu’à 99,2 millions d’euros, cette toile de Gustav Klimt ne rentre pourtant pas dans le top 15 des tableaux les plus chères du monde. Un classement dominé par le fameux Salvator Mundi acquis 450 millions de dollars par Mohammed ben Salmane en 2017, et qui pourrait bien être un faux De Vinci…