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Les pièces de l’empereur Sponsianus seraient authentiques selon une étude

Les pièces d'or romaines authentifiées attestent de l'existence de Sponsianus.

L’empereur Sponsianus aurait bel et bien vécu, et l’authentification des pièces qui lui sont attribuées le prouverait.

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Les “Aureus” de Sponsianus authentifiés

A Rome, fait comme les romains“, aurait dit le grand Ambroise de Milan, dit saint Ambroise. Si à l’évidence l’adage et sa mise en pratique n’ont traversé ni les siècles ni les mers, il n’en reste pas moins qu’à Rome, pour faire comme les empereurs romains, on frappait son meilleur profil sur des pièces en or. Et ces pièces ont permis aux historiens modernes de comprendre des époques et des empires malheureusement souvent trop peu documentés, comme la relation de . Rappelons que l’invention de l’imprimerie de Gutenberg a lieu un millénaire après la chute de Rome.

Il existe seulement deux pièces au monde qui témoigneraient de l’existence et du règne de l’empereur Sponsianus.

La première est connue grâce aux notes de Carl Gustav Heraeus, inspecteur de la collection impériale de Vienne, qui en fait l’acquisition en 1713, avec sept autres pièces d’or. Toutes auraient été trouvés en Transylvanie et acquises auprès du ministre des Finances de l’époque, Johann David von Palm. C’est cette pièce qui a été étudiée par le professeur Pearson, de l’University of College de Londres.

Car longtemps ses détenteurs ont pensé que cette pièce d’or frappée Sponsianus était une véritable pièce de monnaie romaine, jusqu’au milieu du XIXe siècle. A cette époque, plusieurs experts commencent à craindre qu’elle ne soit un faux, comme d’autres, produites par des faussaires plus ou moins habiles.

Le coup final portée à la réputation de la pièce est donné par un français, Henry Cohen, en 1863. Si l’homme a été un temps compositeur d’opéra, il est surtout connu pour sa passion pour la numismatique, et sa connaissance poussée des anciennes monnaies romaines. En 63, il est depuis 4 ans à la Bibliothèque Nationale de France, et y travaille au “Cabinet des médailles”, qui s’occupe également de la collection de monnaies anciennes. Henry Cohen se penche sur la pièce Sponsianus, l’analyse, et établit qu’il s’agit d’une contrefaçon “moderne”, mal réalisée et “ridiculement imaginée”. A l’époque, son avis fait loi, et la pièce n’est plus conservée que comme un faux, tandis que l’empereur Sponsianus est relégué au rang d’invention. Une publication, près d’un siècle plus tard, rouvre néanmoins le sujet : dans “La Monnaie Impériale Romaine” Volume IV, et partie III, publié en 1949, la pièce a été décrite comme un “mystère non résolu”.

Mais, un jour, le professeur Pearson voit des photographies de la pièce, prises en full HD, et commence à s’interroger, à la vue des marques caractéristiques qu’il observe dessus en photo. Notamment des “rayures d’usure superficielles apparentes” et des “traces de dépôts de terre”. Il y voit ce qu’il pense être de premières preuves de la circulation de la pièce, attestant de son usage, et rouvrant l’hypothèse de son authenticité.

Il contacte alors le “Hunterian Museum” de l’Université de Glasgow, où la pièce avait été conservée avec trois autres pièces du lot de 1713, et fait une demande pour y travailler, avec une équipe de chercheurs, dans le but d’en découvrir plus. Il explique dans la publication officielle dédiée à ce sujet, parue sur Plos One :

“La motivation de notre étude était que les techniques d’imagerie et d’analyse modernes devraient être capables de détecter un tel traitement (la circulation et l’usage NDLR), en particulier lorsque des pièces douteuses sont comparées à des pièces authentiques de la même période. 

Si les pièces s’avéraient être des contrefaçons, elles constitueraient un cas d’étude particulièrement intéressant en matière de contrefaçon d’antiquités ; si elles étaient authentiques, elles présenteraient un intérêt historique évident.”

En septembre 2021, l’équipe dirigée par Paul Pearson va alors examiner les quatre pièces, les comparant avec deux pièces d’or romaines “incontestablement authentiques”, de la même époque. Pour cela, ils vont utiliser :

  • La microscopie optique en champ clair
  • La microscopie électronique à balayage (MEB)
  • L’imagerie ultraviolette
  • La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier ou spectroscopie IRTF

L’équipe découvre sur les pièces des “motifs profonds” de micro-abrasion, généralement observables sur les pièces de monnaie utilisées depuis un certain temps. Mieux, l’analyse des dépôts d’argile et leur oxydation sur les pièces révèle la preuve qu’elles auraient été largement utilisées, puis enfouies une longue période, avant d’être enfin déterrées. 

Comparaison des micro-abrasions entre des pièces d'or romaines 100% authentiques (A et B) et les quatre pièces analysées, dont la pièce Sponsianus "F" en bas à gauche.
Comparaison des micro-abrasions entre des pièces d’or romaines 100% authentiques (A et B) et les quatre pièces analysées, dont la pièce Sponsianus “F” en bas à gauche.

En comparaison, on sait que les faussaires utilisaient des méthodes de vieillissement artificiel, y compris l’abrasion, pour simuler l’usure, mais le procédé était détectable des experts, car il est presque impossible de falsifier les micro-rayures caractéristiques de l’usage réel.

Ainsi, fort de ces conclusions scientifiques, l’authenticité des pièces Sponsianus semblent avérer. Ce qui a rouvert la voie à l’étude de cet empereur à l’existence controversée.

La pièce d'or Sponsianus conservée au Hunterian Museum de Glasgow
La pièce d’or Sponsianus conservée au Hunterian Museum de Glasgow

Sponsianus : Un général devenu empereur de la Dacie ?

Les nouvelles théories des chercheurs à propos de Sponsianus estiment qu’il était un grand commandant militaire, s’étant couronné empereur d’une province éloignée de Rome, et extrêmement difficile à défendre : la Dacie. Il s’agissait d’une région sur la rive gauche du Danube, correspondant à une grande partie de l’actuelle Roumanie. Les études archéologiques ont acté que la région de la Dacie aurait été séparée du reste de l’empire romain, vers 260 de notre ère. A la même époque, l’Empire est frappée d’une guerre civile, qui débute partiellement la fragilisation finale qui amènera sa chute deux siècles plus tard. Voici l’évolution de l’empire romain, sur près de 1000 ans, jusqu’à son déclin final :

Evolution des zones de l'empire Romain sur près de mille ans, jusqu'à sa chute.
Crédit : Par Roke — Fond de carte basé sur Image: BlankMap-Europe-v3
Source des données : Colin McEvedy, Penguin Atlas of Ancient History & John Haywood, Atlas of Past Times/DK Atlas of world history
CC BY-SA 3.0 – https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=844877

Alors entouré d’ennemis et coupé de Rome, Sponsianus aurait alors dû prendre et assumer le commandement suprême, au milieu d’une période de chaos. En devenant Empereur de la région de la Dacie, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli et que la province évacuée autour de 271-275, il aurait tenté d’apporter stabilité et sécurité aux populations civiles comme aux garnisons militaires de la zone, selon l’expert Jesper Ericsson.

Sponsianus aurait alors fait frapper des pièces d’or à son effigie, selon le procédé en vigueur dans l’Empire romain, mais dans un nombre limité. Et ce sont aujourd’hui ces seules pièces qui viennent nous témoigner de l’existence réelle de Sponsianus.

Vous pouvez retrouver l’étude complète de Paul Pearson, Michèle Botticelli, Jesper Ericsson, Jacek Olender, et Liene Spruzeniece, dans la publication dédiée sur Plos One via ce lien.