Quatre violeurs, et un meurtrier : cinq bourreaux au moins auront fait des deux dernières années de la vie de Shaïna un enfer. Quant à la justice, elle a rendu des verdicts cohérents avec la vision portée pendant trois décennies par son actuel ministre. Quant aux “féministes”, elles ont poney.
Auteur / Autrice :
L’Affaire Shaïna
L’affaire Shaïna Hansye n’est pas que celle d’une adolescente agressée sexuellement à l’âge de 13 ans, puis poignardée et brûlée vive à l’âge de 15 ans.
Non. L’affaire Shaïna, c’est aussi l’exemple le plus glaçant d’un système judiciaire où le coupable n’est qu’une “victime”. Une victime qui doit être défendue, protégée, et surtout évité d’être punie. Et ce, peu importe l’horreur des faits, peu importe l’abject barbarie qui a frappé la réelle victime.
C’est aussi l’exemple le plus saisissant d’un système judiciaire dirigé depuis trois ans par un ministre dont la carrière a d’abord été une succession de défenses, de plaidoiries et – souvent – d’acquittements obtenus au profit de certains des criminels les plus infâmes :
- Les paras de Francazal : perpétuité.
- Omar Zemmiri du gang de Roubaix : 28 ans de prison.
- Abdelkader Merah : 30 ans.
Citons aussi parmi les anciens clients prestigieux de l’actuel ministre de la Justice, le député M’jid El Guerrab, qui tabassa à coups de casque dans la tête Boris Faure en 2017.
Un ministre qui aime aussi la chasse. Sur son temps libre, entre la défense des criminels les plus fameux, autrefois, et le maintien du système judiciaire, aujourd’hui, le ministre de la Justice est “passionné” par le fait de courir derrière des animaux pour les abattre.
Au point même d’avoir préfacé Un chasseur en campagne, livre de Willy Shraen, le “Patron des chasseurs”. Willy Shraen est “un ami” du lobbyiste pro-chasse Thierry Coste, et lui-même expliquait prendre “du plaisir” à la chasse, sur RMC.
Djibril, Abder et Nadhir : Les violeurs de Shaïna condamnés à des peines légères avec sursis
La justice française dirigée par le ministre Dupond-Moretti depuis bientôt trois ans vient donc de rendre son verdict deux fois, presque coup sur coup, pour les faits d’une atroce gravité dont a été victime Shaïna Hansye, de ses treize à ses quinze ans.
Lorsqu’elle a 13 ans, Shaïna, qui n’est encore qu’“une enfant” selon les mots de sa mère, rencontre Djibril B., qui devient son petit ami. Enfin, c’est ce qu’elle semble penser. Un petit-ami qui lui donne rendez-vous le 31 août 2017 près d’un hôpital désaffecté de Creil (Oise), la menaçant de diffuser une photo d’elle dénudée sur les réseaux sociaux, dans son collège et à son entourage (famille, amis).
Dans cet hôpital, Djibril et deux amis à lui, Abder et Nadhir, vont violer en réunion Shaïna, en filmant la scène, avant de s’en glorifier en partageant les vidéos sur les réseaux sociaux. Un quatrième garçon est également présent.
Pendant la procédure, alors que Shaïna n’a pas encore été brulée vive mais est victime de harcèlement, Djibril revient à Creil pour la retrouver. Ce qu’il parvient à faire dans un parc, où il la frappe violemment avec plusieurs de ses amis, au sol, pour la forcer à retirer sa plainte pour viol.
Pour ces faits (viol en réunion, violence en réunion, diffusion des vidéos de l’agression sexuel en réunion, mais aussi menaces à divers degrés et harcèlement), le jeudi 1er juin 2023, le tribunal d’Amiens a condamné Djibril B. à deux ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve. L’avocate générale avait requis deux ans de prison, dont un avec sursis.
Abder et Nadhir, les deux complices du viol en réunion, mineurs au moment des faits, ont écopé d’une peine d’un an de prison (avec trois ans de sursis probatoire). Le procureur avait requis quinze mois, dont six mois ferme pour l’un, et seulement du sursis pour l’autre. L’un d’eux a aussi été condamné pour violences. Enfin, le quatrième complice a été condamné à six mois de prison avec sursis.
Omar, le barbare qui a poignardé Shaïna avant de la brûler vive
Deux ans après son viol collectif, quelques mois après avoir été tabassée, et étant toujours la cible de “slut shaming” à causes des vidéos de son agression sexuel, Shaïna est approchée par Omar O., un garçon de 17 ans de Nogent-sur-Oise, en cours au lycée Jules-Uhry de Creil.
Pendant quelques semaines, Omar et Shaïna ont une relation de couple qui semble ordinaire, et la jeune fille tombe enceinte. Elle le découvre en faisant un test de grossesse, et l’annonce à Omar. Ils échangent alors une centaine de messages.
Le soir même, le 25 octobre, Omar tend un guet-apens à Shaïna, dans un cabanon en tôle rouillée au Plateau-Rouher, un immense ensemble de barres et de tours d’immeubles (qui comptait jusqu’à 12 000 habitants, dans les années 2000). Dans ce cabanon, Omar met une dizaine de coups de couteaux à Shaïna, avant de la brûler vive.
Me Negar Haeri, avocate des parties civiles, explique : “L’autopsie conclut qu’elle est morte des brûlures thermiques. De la suie a été retrouvée dans ses poumons, ce qui montre qu’elle respirait encore au début de l’incendie. Il faut bien avoir conscience de la souffrance qu’elle a endurée.”
Le corps ne sera découvert que deux jours plus tard, carbonisé, dans un état si abominable qu’on conseillera à la famille de ne pas le voir. Shaïna est d’ailleurs d’abord identifiée par sa bague et son appareil dentaire, comme le raconte Charlie Hebdo :
“La famille de Shaïna la cherche désespérément. Le bruit court qu’on a retrouvé un corps aux cabanons, des jeunes vont prévenir la police. Yasin, son grand frère, arrive sur les lieux, le 27 octobre. C’est une scène de crime, des enquêteurs sont sur place, un hélicoptère dans le ciel. Il essaie de franchir les barrières : « Je cherche ma sœur. » Un enquêteur baisse les yeux, lui demande : « Est-ce qu’elle porte une bague ? Un appareil dentaire en bas ? — Oui, c’est bien ça. » Il comprend alors que ce corps calciné, c’est celui de sa petite sœur.”
Pire, dès le soir de la disparition de Shaïna, au vu des terribles antécédents dont a été victime l’adolescente, les parents se rendent au commissariat, expliquent que leur fille a disparu, rappellent les faits. Mais les policiers leur demande de revenir plus tard.
Pourquoi Omar O. a t’il brulée vive Shaïna, après l’avoir préalablement poignardé plusieurs fois, alors qu’elle est enceinte de lui, à 15 ans ? Comme l’indique “Le Point”, c’est après avoir appris par Shaïna qu’Omar aurait eu honte d’avoir « enfanté » un « bâtard » à la « fille facile » du quartier, sur fond d’interdit religieux, le jeune homme étant musulman pratiquant.
D’après Charlie Hebdo, Omar O. aurait expliqué en prison qu’“il avait tué sa copine qui était une pute qu’il avait mise enceinte et qu’il ne voulait pas que sa mère l’apprenne car il était musulman”. Il aurait dit aussi qu’il préférait “prendre trente ans que d’être le père d’un bâtard, être le père d’un fils de pute”.
A son arrivé en détention, Omar ne montre ni remord, ni regret, et se pavane dans la prison, tout en continuant à rapper et poster des photos et des vidéos sur Instagram.
Le meurtrier de Shaïna, libre en 2028 ?
Le 10 juin 2023, alors que l’avocat général avait demandé la levée de l’excuse de la minorité et requit 30 ans de prison, la cour n’a pas levé l’excuse, et Omar a été jugé comme un mineur, avec une peine maximum possible de 20 ans de prison. Il a finalement été condamné à 18 ans de reclusion criminelle pour l’avoir poignardée et brûlée vive Shaïna, alors qu’elle était enceinte.
Une condamnation en 2023, après 4 ans de détention provisoire, qui font qu’il ne reste déjà théoriquement que 14 ans de détention pour l’assassin. A la moitié de sa peine, il pourra faire une demande de liberté conditionnelle, et pourrait donc être libre dès 2028. Il n’aura même pas trente ans.
Un jugement clément, qui a horrifié Yasin Hansye, le frère de Shaïna, qui pourtant avait dit avant le procès : “Je vais faire confiance à la justice.”
Sans surprise, Yasin Hansye s’est exprimé après le verdict, le 10 juin, avec des mots lourds à l’attention de la justice française :
“J’ai tellement honte de notre justice en France elle a était merdique . Un des plus abominables crimes en France ils ont décidés de pas lever l’excuse de minorité et appliquer les peines requis du parquet ( 30 ans de prison ) il a prit seulement 18 ans ce mec et sortira dans quelques années Il a assassiné Shaïna un vendredi soir et la justice lui a répondu en assassinant Shaïna un vendredi soir en tant que grand frère je peux rien faire de plus j’ai pas pris les armes en 2017 et 2019 pour me faire justice moi-même et je vous assure que la détention je n’aurais pas eu peur si je l’ai pas fait c’est peut-être que j’ai l’Islam et que je crois en Dieu mes parents m’ont donnés la meilleure éducation et vous tous les français françaises vous êtes derrière moi Veillez sur vos mères sœurs femmes ont est plus en sécurité car la justice est pas à la hauteur Je me battrais jusqu’au bout encore. Ma sœur est au plus haut degré du paradis.”
Le père de Shaïna a lui aussi commenté la condamnation du meurtrier de sa fille, dans le même sens que son fils : “La justice n’a pas été à la hauteur.”

Enfin, citons l’avocate Negar Haeri : “La culpabilité de l’accusé a été retenue mais la Cour d’assises a refusé d’écarter l’excuse de minorité, atténuant ainsi sa responsabilité. À 17 ans et 3 mois, poignarder et brûler vive sa victime, que fallait-il de plus pour en faire un crime d’adulte?”
Une opinion publique scandalisée, et des féministes aux abonnés absents
Un verdit jugé clément aussi par l’opinion public, et qui a beaucoup fait réagir, et beaucoup révolté.
Une affaire qui illustre aussi de la pire des manières l’hypocrisie des féministes de plateaux TV et de magazines et des politiciens aux dents longues : presque aucune personnalité à l’extrême-gauche de l’échiquier politique n’a eu un mot pour Shaïna. Aucune des grandes féministes qui ont signé une tribune en faveur de Amber Heard il y a quelques jours n’a eu un seul mot pour Shaïna.
Pas même Sandrine Rousseau. Avec 17 200 tweets à son actif, sur tous les sujets imaginables, la députée avait pourtant par deux fois pris nommément la défense de Magali Berdah dans son conflit avec le rappeur Booba. Il semble que pour Sandrine Rousseau, le calvaire de Shaïna et les peines “légères” de ses bourreaux soient quantités négligeables à côté des malheurs de “la papesse des influenceurs” (sans les nier le moins du monde).
Aucun mot à propos des verdicts de l’affaire Shaïna n’est venu non plus de Lauren Bastide (derrière le podcast féministe La Poudre), Caroline De Haas (fondatrice de Osez le féminisme puis de Nous Toutes, qui proposait d’“élargir les trottoirs” pour lutter contre le harcèlement de rue), ou encore Houria Bouteldja, Clémentine Autain, Marlène Schiappa, Camille Aumont-Carnel ou encore des nombreuses autres associations prétendument féministes. Aucun.
Plusieurs réactions sont tout de même à relever de personnalités de gauche ou apparentées :
Naïma M’Faddel, essayiste et conseillère en politique de la ville : “Mort de Shaïna : son tortionnaire et assassin a été condamné seulement à 18 ans de réclusion criminelle. Quelle honte ! Moi qui croyais que la France était le pays qui prétend faire de la lutte des violences faites aux femmes une priorité.”
Mathilde Caillard (plus connue comme MC danse pour le climat), collaboratrice parlementaire (de la députée LFI Alma Dufour) : “Cette histoire effroyable nous rappelle que nous n’en avons pas fini avec le patriarcat qui soumet et oppresse les femmes, jusqu’à la mort. {…} La vie sexuelle des femmes est toujours soumise à un droit de regard de la collectivité. Immense peine pour ses proches et pour elle. Que la terre lui soit légère.”
Cette dernière a cependant été reprise par Chanceline Mevowanou, activiste féministe, sur un point de sémantique, mais qui n’a eu aucun mot pour Shaïna : “Un viol, on le subit. « On ne se fait pas violer, on est violé ». « Se fait violer et agresser…» ici est synonyme de « elle l’aurait cherché ». C’est ce que ça véhicule lorsqu’on s’attarde sur la phraséologie. C’est une expression problématique car elle évoque une certaine responsabilité de la victime dans ce qu’on lui a infligé. Parallèlement elle dilue le poids des auteurs de ces atrocités. Beaucoup de gens qui utilisent cette formulation ne le font pas exprès peut-être. Toutefois nous devons faire attention. Le langage, le choix des mots et le narratif comptent énormément lorsque nous adressons les violences sexistes et sexuelles. Ils comptent encore plus dans nos sociétés sexistes et misogynes où les victimes sont partiellement ou entièrement rendues responsables des crimes qu’elles subissent.”
Mehdi Aifa, militant LGBT, s’adressant à Elise Arfi, l’avocate du meurtrier : “Quant aux « cicatrices », votre client, cet animal qui a violé puis prémédité son crime en brûlant vif Shaïna sortira indemne dans quelques années. Les cicatrices de la famille de Shaïna, réelles, ne se refermeront jamais. Quelle indignité !”
Amine El-Khatmi, membre du Parti socialiste depuis 2003 : “Le verdict procès Shaïna est une honte. Maintenir l’excuse de minorité pour un assassin qui s’est vanté d’avoir tué la pute du quartier, préférant la prison qu’être père d’un « batard » est une honte.”
Enfin, citons ce coup de gueule intéressant de la militante de gauche “Aïcha S-L” sur le silence assourdissant d’une partie très large du corps politique et associatif sur l’affaire Shaïna :
“En tant que “vieille” militante de gauche (unef-id, mjs, ps, et pire encore), je suis vraiment plus que touchée par le cas Shaïna, car ça me renvoie à des discussions que j’ai pu avoir moi-même avec d’autres militants, dans différentes sphères de gauche, ou à des choses que j’ai pu lire ici et là. La cause des femmes, comme partout vous me direz, n’est qu’une variable d’ajustement dans les programmes et dans le corpus idéologique de ces gens. Depuis Leila et Alma nos deux petites fées du voile de Creil en 1989 (putain, 1989), tout ce que j’ai pu aimer de
la Gauche : son universalisme et son souci d’équité, part a vau-l’eau au nom du clientélisme électoral, ou par peur de passer pour autre chose que de gauche.
Suivant en cela les recommandations de cette fasciste de Houria Bouteldja bien avant l’heure, on retrouve la Gauche et les écolos à manifester pour ‘le libre port de l’abaya’, idem pour le burkini, à signer des pétitions faisant fi de la sécurité des femmes etc.
Des filles considérées comme des “putes”, se font violer en réunion, brûler vive (qui se rappelle de Sohane ?), se font tabasser pour avoir salit on ne sait quel honneur, et à chaque fois le silence assourdissant des militantes féministes les plus bavardes habituellement.
Heureusement que quelques assos sauvent l’honneur et se sont tenues debout avec Shaïna, et puis Laurence Rossignol, infatigable militante aussi Mais regarder les journaux, les actus. Où est la rage ? Où est la colère de Sandrine Rousseau par exemple ?
Où est la cohorte des signataires de tribunes ? Où sont les pétitions ? Où sont ces femmes qui ont fait du combat féministe un véritable créneau politique et pro ? Invisible. Répondant en cela au véritable mot d’ordre intersectionnel : effacer les femmes au nom de tout le reste.
Bouteldja dit clairement que si un viol est commis sur une femme par un “racisé” (quoi que cela veuille dire cette bouillie), il faut TAIRE le crime car le risque de récupération raciste est plus grave que le viol.
Elle le dit comme ça, sans autre fioritures. Et c’est cette femme et ses semblables ( Fatima Ouassak, Youcef Brakni) que la Gauche consulte et écoute et invite pour parler banlieues, racisme, voile et “décolonialisme”. Vous mesurez le degré de compromission ?
Et nous voilà, nous militants de gauche, sommés de choisir entre accepter le relativisme culturel (le voile est un choix, une petite claque c’est rien, la brulure à l’acide pour cause d’honneur sali etc.) et l’extreme droite. Car oui, la moindre velléité d’universalisme = Le Pen
Il n’y a qu’à voir les différents remous autour de Ruffin. Dès que ce dernier sort une phrase un peu de gauche ouvrieriste, hop on en appelle aux heures les plus sombres du pays et il est limite plus infréquentable que Goebbels.
Bref, que la petite bourge danseuse en manif découvre enfin le prénom de Shaïna est une bonne chose, mais remarquez bien comme elle ne lie absolument pas son calvaire avec le rejet de l’universalisme que prône son parti et la député pour laquelle elle fait mine de bosser.
Et je vais vous dire, on est nombreuses à en avoir marre, marre d’être mises en dehors du champs républicain, marre du relativisme culturel, marre du paternalisme post colonial que vous appelez décolonialisme, marre que les femmes issues de l’immigration soient une PROPRIÉTÉ à se passer de “grands frères” à politicardes ambitieuses prêtes à trouver toutes les vertus du bonde à l’abaya et au voile si ça peut sauver un poste de députés.
Marre du silence de ces femmes politiques, marre du silence des syndicalistes et des militantes féministes abonnées à tous les médias habituellement, taiseuses pour Shaïna, pour Imane Haous. Le silence sur le calvaire des femmes plutôt que l’accusation de racisme. La simple idée de cette peur révèle où est le vrai racisme.”