Une équipe scientifique a modifié les gènes de peupliers à l’aide de l’outil d’édition CRISPR, pour qu’ils produisent plus de fibres et soient plus efficaces.
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Des arbres plus gros à cause du CO2
Une étude parue l’année dernière et réalisée par l’Ohio State University révélait que les arbres sont aujourd’hui 30% plus gros, à cause du dioxyde de carbone (CO2).
Les résultats présentés dans Nature le 19 septembre 2022 étaient vraiment étonnants car les recherches suggèrent que les arbres grossissent de jour en jour grâce au dioxyde de carbone. Ce qui signifierait que la composition de l’atmosphère a eu un impact majeur sur le volume de bois des forêts (aux États-Unis, où a eu lieu l’étude).
Dans le détail, l’étude a mis en lumière que l’augmentation des niveaux de CO2 provoquait systématiquement une augmentation du volume de bois dans 10 groupes de forêts tempérées différents à travers le pays, même si d’autres facteurs entre en compte, comme le climat et les maladies, qui peuvent également impacter et modifier le volume d’un arbre.
Brent Sohngen, co-auteur de l’étude et professeur d’économie de l’environnement et des ressources à l’Ohio State University, avait aussi apporté une statistique intéressante : “Les forêts prélèvent du carbone de l’atmosphère à un taux d’environ 13% de nos émissions brutes. Alors que nous rejetons des milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, nous en retirons une grande partie simplement en laissant pousser nos forêts.”
Des arbres génétiquement modifiés
Pour autant, que les arbres soient plus gros et que leurs capacités en accumulation de CO2 soient plus importantes nous imposent plus encore de les préserver. Or, en dehors de la déforestation massive causée par l’expansion agricole dans des pays comme le Brésil, on utilise aussi beaucoup les arbres et le bois pour produire du papier, des emballages, et une large variété de produits.
C’est pourquoi le scientifique Daniel Sulis et ses collègues, des chercheurs de l’université d’Etat de Caroline du Nord, se sont tournés vers l’outil d’édition génétique CRISPR pour modifier génétiquement les arbres. Ils ont dévoilé les résultats de leurs travaux dans un article paru mi-juillet 2023 sur Science.org, nommé : “Multiplex CRISPR editing of wood for sustainable fiber production”.
Ils ont utilisé CRISPR pour modifier génétiquement des arbre, en l’occurence des peupliers, pour réduire leurs niveaux de lignine, un composant majeur des plantes avec la cellulose. La lignine étant “le principal obstacle à la production durable de fibres de bois”, réduire son niveau permet de produire plus de fibres, tout en améliorant les propriétés du bois.
Les chercheurs veulent ainsi rendre la production de fibres “plus écologique”, mais aussi “moins chère et plus efficace” pour les usages qui en sont faits. Le site Généthique explique bien la démarche qu’ont utilisé les scientifiques :
Les scientifiques ont développé un modèle d’apprentissage automatique qui a « prédit puis trié près de 70 000 stratégies différentes d’édition de gènes ciblant 21 gènes importants associés à la production de lignine », certaines modifiant plusieurs gènes à la fois. Ils ont finalement obtenu 347 stratégies, dont plus de 99% ciblaient au moins trois gènes. Les chercheurs ont ensuite sélectionné les 7 meilleures pour produire 174 lignées de peupliers. Après six mois passés dans une serre de l’université, l’examen de ces arbres a révélé une réduction de la teneur en lignine allant jusqu’à 50% chez certaines variétés.
Les réductions de lignine « les plus significatives » ont été observées chez les arbres ayant fait l’objet de quatre à six modifications génétiques. Avec trois modifications génétiques, les chercheurs ont obtenu une réduction de lignine allant jusqu’à 32%. En revanche, modifier un seul gène n’a pas permis de réduire la teneur en lignine.
Les prochaines étapes consisteront à poursuivre les essais en serre afin de « comparer les performances des arbres génétiquement modifiés à celles des arbres sauvages ». Ensuite, l’équipe compte effectuer des « essais sur le terrain » pour « déterminer si les arbres génétiquement modifiés peuvent supporter les contraintes de la vie à l’extérieur, en dehors de l’environnement contrôlé de la serre ».
Pour comprendre comment fonctionne l’outil CRISPR :
Le précédent Living Carbon
Ce n’est pas la première fois que des scientifiques modifient les gènes des arbres pour optimiser leur rendement.
En avril 2022, des chercheurs de Living Carbon présentaient leur manipulation de l’ADN pour créer un nouveau type d’arbre qui capte plus efficacement le carbone atmosphérique et le conserve pendant très longtemps. À l’époque, Yumin Tao, le “VP of biotechnology” de l’entreprise dévoilait comment l’ajout de quelques gènes de citrouilles et d’algues vertes pouvait dynamiser la photosynthèse, augmentant considérablement la quantité de carbone qu’un arbre modifié peut stocker dans ses tissus.