__

Caltech met en orbite un prototype de centrale solaire spatiale reliée à la Terre

Le Projet SSPD de Caltech a mis en orbite un prototype de central solaire spatial destinée à transmettre de l'électricité sans fil vers la Terre.

Lancée dans l’espace à bord d’une fusée SpaceX le 3 janvier 2023, le SSPD de l’université de Californie “Caltech” doit tester plusieurs technologies, pour tenter d’envoyer de l’énergie solaire sur Terre sous forme d’ondes !

Auteur / Autrice :

L’énergie solaire spatiale est une source d’énergie théoriquement illimitée devenue ces dernières années très attractive pour la communauté scientifique. La raison est simple : dans l’espace, l’énergie fournie par le soleil est constamment disponible, au meilleur de son rendement, et sans être soumise aux cycles terrestres du jour et de la nuit, ou aux caprices des saisons.

Mais si collecter l’énergie solaire et la transformer en électricité depuis l’espace est déjà un défi technique en soit, parvenir à transmettre cette énergie au sol est encore plus compliqué. Et les promesses de câbles ou d’ascenseurs spatiaux qui connecteraient ces panneaux solaires orbitaux à la Terre ne semblent ni viable techniquement, ni financièrement, et sont par conséquent irréalistes. L’hypothèse sur laquelle travaille le plus les équipes scientifiques à travers le monde est celle de la transmission de cette énergie solaire spatiale sous forme d’ondes, à la manière du wifi, vers des bornes de collectes au sol.

Une manière de faire qui peut sembler tout droit venue de la science-fiction, mais qui commence à se matérialiser. En Chine, l’expérience est en cours, et devrait donner ses premiers résultats dans le courant 2023. Et aux Etats-Unis, une branche de l’université “California Institute of Technology”, dites aussi Caltech (ou CIT parfois), travaille sur ce sujet depuis 2011.

Baptisé Space Solar Power Project (ou SSPP), le projet a vu le jour en 2011 après que le président d’Irvine Company (une société immobilière) et membre à vie du conseil d’administration de Caltech Donald Bren ait pris connaissance du potentiel illimité de la production d’énergie solaire depuis l’espace, dans un article paru dans le magazine Popular Science. Emoustillé par le potentiel de l’énergie solaire spatiale, Donald Bren aurait approché l’ingénieur français Jean-Lou Chameau (diplômé de Stanford, et passé par les Arts & Métiers), alors président de Caltech, pour discuter de la création d’un projet de recherche sur cette énergie illimitée. En 2013, Donald et sa femme Brigitte, administratrice également de Caltech, ont accepté de faire les dons initiaux pour financer le projet, et faire débuter la recherche sur le sujet. Douze ans plus tard, Caltech et le SSPP ont dépassé les 100 millions de dollars de budgets.

Le cour de la recherche actuelle du SSPP est de déployer une constellation d’engins spatiaux modulaires, qui collecteront la lumière du soleil dans l’espace, la transformeront ensuite en électricité, puis transmettront cette électricité sur de longues distances, sans fil ni connectique physique, partout où elle est nécessaire, et y compris dans des endroits qui n’ont actuellement aucun accès à une alimentation fiable.

Le mardi 3 janvier 2023, le Space Solar Power Project (SSPP) de Caltech a fait décoller et mis en orbite un prototype inédit, baptisé Space Solar Power Demonstrator (SSPD), qui doit aller tester des outils stratégiques cruciaux visant à collecter l’énergie solaire dans l’espace, puis à la renvoyer sur Terre ! L’ensemble a pris part à la mission Transporter-6 de SpaceX, à bord d’un Falcon 9. Ce lancement représente une étape très importante du projet, et vient matérialiser près d’une décennie de recherche et développement. Le SSPD pèse 50 kilogrammes, et se compose de trois expériences principales, chacune chargée de tester une technologie clé différente du projet :

  • DOLCE pour Deployable on-Orbit ultraLight Composite Experiment : Une structure carré mesurant 100cm sur 100, qui veut tester l’architecture, le mode d’emballage et les mécanismes de déploiement des engins spatiaux modulaires qui constitueraient in fine une constellation. L’ensemble viserait une échelle d’environ un kilomètre, formant une gigantesque centrale électrique solaire spatiale.
  • ALBA : Il s’agit d’une gamme de 32 types différents de cellules photovoltaïques, pour évaluer les types de cellules les plus efficaces dans l’espace, en tenant compte de ses facteurs particuliers (et hostiles) comme le froid, les rayonnements solaires, les vents spatiaux, etc.
  • MAPLE pour Microwave Array for Power-transfer Low-orbit Experiment : Il s’agit d’un réseau d’émetteurs de puissance micro-ondes, légers et flexibles, avec un contrôle extrêmement précis de la synchronisation, et qui concentre la puissance de manière sélective sur deux récepteurs différents, afin de tester la transmission d’énergie sans fil, à distance, dans l’espace.
  • Un quatrième composant supplémentaire de ce module d’essai SSPD est un boîtier électronique, qui s’interface avec l’ordinateur principal dans l’espace, et contrôle les trois expériences.
Les ingénieurs de Caltech sur le projet SSPD abaissent avec précaution la partie DOLCE du démonstrateur d'énergie solaire spatiale sur le vaisseau spatial Vigoride construit par Momentus.
Les ingénieurs abaissent avec précaution la partie DOLCE du démonstrateur d’énergie solaire spatiale sur le vaisseau spatial Vigoride construit par Momentus – © Caltech

La fusée est arrivée en orbite en environ 10 minutes, atteignant l’altitude souhaitée. L’équipe de Caltech sur Terre prévoit de commencer à réaliser ses expériences sur le SSPD quelques semaines après le lancement, et certains éléments des tests seront réalisés rapidement. Sergio Pellegrino, professeur d’aérospatiale Joyce et Kent Kresa et professeur de génie civil à Caltech, et codirecteur du SSPP, déclarait à ce propos :

“Nous prévoyons de commander le déploiement de DOLCE quelques jours après avoir obtenu de Momentus l’accès au SSPD. Nous devrions savoir immédiatement si DOLCE fonctionne.”

D’autres éléments nécessiteront logiquement plus de temps, voire beaucoup plus de temps, notamment les batteries de tests des éléments photovoltaïques ALBA, qui nécessiteront jusqu’à six mois d’essais, pour donner des indications complètes sur les types de technologies photovoltaïques qui conviennent le mieux. Surtout, la technologie MAPLE implique une vaste série d’expériences, allant d’une vérification initiale des fonctions à une évaluation des performances du système dans différents environnements, au fil du temps. Pendant ce temps, deux caméras, montées sur DOLCE, et des caméras supplémentaires sur le boîtier électronique, surveilleront la progression de l’expérience et transmettront des visuels complets et précis aux équipes de l’université Californienne, sur Terre.

Le fonctionnement du SSPD de Caltech

De nombreux défis restent par ailleurs à relever : rien de ce qui concerne la conduite d’une expérience dans l’espace, depuis le lancement au déploiement de l’engin dans l’espace, en passant par le fonctionnement direct du SSPD et des différents modules, n’est garanti. Mais quoi qu’il en soit, le fait d’avoir réussi à créer un prototype utilisable dans l’espace représente une première réussite importante pour l’équipe SSPP. L’équipe espère disposer d’une évaluation complète des performances du SSPD quelques mois après le lancement, avant la fin de l’année 2023.

Donald Bren est bien sûr très enthousiaste que ce décollage vienne concrétiser des années de recherches, de travaux, et d’apports financiers conséquents :

“Pendant de nombreuses années, j’ai rêvé de la façon dont l’énergie solaire spatiale pourrait résoudre certains des défis les plus urgents de l’humanité. Aujourd’hui, je suis ravi de soutenir les brillants scientifiques de Caltech dans leur course pour faire de ce rêve une réalité.”

Des nouvelles de l’expérience devraient donc se faire connaitre d’ici quelques mois !

Pour en savoir plus : la page officielle du projet sur le site de Caltech, et le site officiel du projet.