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Des scientifiques produisent de la cocaïne à partir d’un plan de tabac

Des scientifiques ont produit de la cocaïne en modifiant la structure génétique d'un plante de tabac.

Avec une modification génétique, une équipe chinoise a transféré la production du psychoactif.

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Quand la cocaïne était légale

En 1887, Sir Arthur Conan Doyle crée le personnage légendaire de Sherlock Holmes, dans le roman policier “Une étude en rouge“. Le détective connait rapidement un immense succès, qui ne se dément pas près d’un siècle et demi après sa création.

Pourtant, et c’est moins connu, Conan Doyle, médecin, a fait de son héros un être en proie aux addictions, et en particulier à la cocaïne, alors légale et massivement consommé à l’époque dans toutes sortes de produits (thé, pastilles, boissons…). L’une des formulations les plus nettes de cette addiction passe bien sûr par les mots du fidèle Watson, qui dit à Sherlock Holmes, dans “Les cinq pépins d’orange” :

“Je vous appréciais encore comme violoniste, boxeur, épéiste, homme de
loi, et aussi pour votre auto-intoxication par la cocaïne et le tabac.”

De fait, à cette époque, cette molécule extraite de la coca est présentée comme un médicament miraculeux, vendu en pharmacie sous différentes formes, et qui peut permettre de grandes choses : de la concentration à l’élocution, en passant par la forme physique, les “bienfaits” du psychostimulant sont vantés et vendus en Europe comme aux USA.

Il faudra attendre plusieurs années avant que la crise sanitaire qui découle de la large adoption de la cocaïne ne décide les autorités à des interdictions, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème.

La cocaïne n’est en effet pas dénuée de propriétés intéressantes d’un point de vue médical – et ne devrait jamais être utilisée que dans ce cadre. A l’époque de Sherlock Holmes et Conan Doyle, elle est utilisée comme anesthésique locale, en particulier dans la chirurgie oculaire, dont la précision nécessaire est difficilement compatible avec la douleur. C’est aussi dans le cadre de pathologies respiratoires qu’elle est recommandée, plus largement au cours du XIXème siècle.

De la cocaïne produite en laboratoire de manière détournée

De nos jours, en dépit de l’image négativement connotée de la molécule, des scientifiques cherchent des moyens de produire ses éléments positifs, les anesthésiques et les stimulants en particulier, tout en éliminant les effets négatifs – l’addiction en premier lieu. Mais la manière dont la plante Erythroxylum novogranatense la synthétise pose encore un grand nombre de questions aux scientifiques. En effet, la molécule, un alcaloïde tropanique, est particulièrement complexe, et la compréhension de son processus de génération reste incomplète.

Une équipe de l’Institut de botanique de Kunming, en Chine, dirigée par le professeur Sheng-Xiong Huang, s’est intéressée à deux précurseurs (chimiques) ayant un rôle supposé dans la synthèse de la cocaïne par la plante : deux enzymes appelées EnMT4 et EnCYP81AN15. L’équipe a modifié génétiquement une variété de la Nicotiana, dont est issue la nicotine, la Nicotiana benthamiana, pour lui faire produire ces deux enzymes, et voir le résultat obtenu. Et le résultat a répondu à leurs attentes, puisque la plante a commencé à produire de la cocaïne, dans une quantité substantielle : 400 nanogrammes de cocaïne par milligramme de feuille séchée, soit environ 25% de ce que produit la coca. Ainsi, après une modification génétique, c’est une variété du tabac qui produit de la cocaïne, de manière naturelle.

Avec le succès de cette première étape, l’équipe espère pouvoir étudier plus en détail encore le processus de synthèse de la molécule, et commencer à y introduire des modifications. Les scientifiques précisent, en cas de besoin, que cette transformation d’une plante légale en un producteur d’une molécule illégale est si difficile à réaliser et à développer, demandant un vaste panel de compétences et de moyens, que les trafiquants n’y trouverait aucun gain. La culture et le traitement naturel par des moyens conventionnels resteraient largement plus faisable, et rentable.

Vous pouvez retrouver la publication scientifique “Discovery and Engineering of the Cocaine Biosynthetic Pathway“, sur le site du journal de la “American Chemical Society“, en suivant ce lien.