Cette pratique millénaire, observée en Chine, aux confins des Amériques et dans la région toulousaine, a aussi été pratiquée au Japon, dans l’antiquité.
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La déformation volontaie du crâne, une pratique millénaire
La modification crânienne est une forme d’altération corporelle où la tête est pressée ou liée, généralement sur un enfant en bas âge, afin de créer une déformation définitive du crâne. Cette pratique est extrêmement ancienne, les crânes modifiés les plus anciens connus ont environ 50 000 ans ! Une coutume mondiale, que l’on a observée des Huns aux Mayas, en passant par certains peuples africains, dont les Mangbetu.

Même en France, on modifiait massivement les crânes jusqu’au début du XXème siècle, dans la région de Toulouse. Et si la modification crânienne présente un aspect visuel spectaculaire (ce qui est en partie le but recherché), “il est probable que, lorsqu’elle est légère, cette modification ne nuit pas au développement général de l’intelligence”.
Au Japon, le site d’Hirota sur l’île japonaise de Tanegashima (dans la préfecture de Kagoshima) est un lieu depuis longtemps associé à la déformation crânienne dans le pays. Ce site est un vaste site funéraire du peuple Hirota, qui y vécut du IIIe siècle jusqu’au VIIe siècle.
Mais il était difficile pour les chercheurs et les experts de trancher entre une altération souhaitée et réfléchie, ou la résultante d’un processus involontaire (maladie…). Des générations de chercheurs ont tenté de lever le doute depuis plusieurs décennies.
L’anthropologue Noriko Seguchi de la Faculté des études sociales et culturelles de l’Université de Kyushu, qui a dirigé l’étude publié dans PLOS ONE, explique :
“Ce site a été fouillé de 1957 à 1959, puis à nouveau de 2005 à 2006 (Ce qui a permis de mettre à jour des centaines de squelettes partiels et complets et des milliers d’objets notamment funéraires, fournissant une base complète pour étudier de cette ancienne culture japonaise NDLR). À partir de la fouille initiale, nous avons découvert des restes avec des déformations crâniennes caractérisées par une tête courte et un arrière du crâne aplati, en particulier l’os occipital et les parties postérieures des os pariétaux.”
“Une modification crânienne intentionnelle”
Cette dernière étude s’est attachée à comparer des images 2D et des scans 3D de dix-neuf boîtes crâniennes du peuple Hirota à ceux d’autres peuples : les Jômon, qui vivaient quelques siècles plus tôt sur l’île de Kyushu (au nord-est de l’île de Honshū) et les Doigahama (à l’ouest de l’Honshū), un autre peuple qui vivait à la même époque que les Hirota.
En plus d’évaluer visuellement la morphologie des crânes, l’équipe a rassemblé les données et a analysé statistiquement les contours et les formes entre les crânes.
Noriko Seguchi valide la piste d’une modification crânienne intentionnelle d’après leurs analyses :
“Nos résultats ont révélé une morphologie crânienne distincte et une variabilité statistique significative entre les individus d’Hirota et les échantillons du peuple Jomon de l’île de Kyushu et du peuple Doigahama Yayoi. La présence d’un arrière du crâne aplati caractérisé par des changements dans l’os occipital, ainsi que des dépressions dans les parties du crâne reliant les os ensemble, notamment les sutures sagittale et lambdoïde, suggérait fortement une modification crânienne intentionnelle.”
De plus, l’étude n’a trouvé aucune différence significative dans la modification crânienne en fonction du sexe, ce qui semble indiquer que tant les femmes que les hommes pratiquaient la modification crânienne intentionnelle.
Quant à la raison avancée pour cette pratique, il s’agit probablement de la création d’un signe distinctif immédiatement reconnaissable “pour préserver l’identité du groupe et potentiellement faciliter le commerce à longue distance de coquillages”.
Pour consulter l’étude : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0289219#pone-0289219-g001