Des milliers d’auteurs s’emparent du problème du plagiat des oeuvres par une poignée d’entreprises de l’intelligence artificielle, dont OpenAI et Microsoft. Et signent une “Lettre ouverte aux leaders de l’IA générative”.
Auteur / Autrice :
Le monde se lève pour dire non au plagiat de l’intelligence artificielle
Le monde comment seulement à être écoeuré du plagiat des entreprises d’intelligence artificielle.
Il y a quelques semaines seulement, ce sont les scénaristes hollywoodiens – clef de voute du système – qui lançait un grand mouvement de grève pour faire face à l’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’industrie. Et dans leur métier. Une grève massive, où ils ont rapidement été rejoint par de nombreux acteurs.
L’industrie cinématographique ferait en effet pression sur les acteurs pour obtenir le droit d’utiliser leur image à l’infini, bien au-delà de leurs vies et de leurs carrières, grâce à l’IA. Mais sans les payer en conséquence pour cela, bien sûr.
Les musiciens sont d’ores et déjà entré en guerre contre les musique générées via l’IA, qui se multiplient. Certaines sont d’ailleurs bluffantes de réalisme, et de petits bijoux (comme la version chantée par Johnny Cash du tube “Barbie Girl” (voir notre article) ou le “Hier encore” de Emmanuel Macron, remplaçant au pied levé Aznavour (voir).
8000 auteurs signent une tribune à destination des géants de l’intelligence artificielle, qui plagient massivement les oeuvres sans rémunérer personne
Le milieu de l’édition n’est pas en reste, bien au contraire. Grâce (ou à cause ?) de l’IA et de la technologie des LLM, les logiciels peuvent produire très facilement du texte, des quantités de texte. Et même reproduire le style des auteurs, dont certains sont encore bien vivants, comme Suzanne Collins (The Hunger Games) ou Margaret Atwood (The Handmaid’s Tale).
C’est donc logiquement que l’on retrouve celles-ci parmi les signataires d’une tribune regroupant plus de 8000 auteurs, dont une grande parti est membre de l’Authors Guild.
Tous ces auteurs protestent contre l’utilisation de leurs œuvres pour former des modèles d’IA, et réclament leur du juteux butin obtenu par ces entreprises en plagiant allègrement leurs oeuvres. Plus de 8 000 auteurs ont rédigé une lettre ouverte intitulée “Open Letter to Generative AI Leaders”. Une lettre dans laquelle les signataires parlent d’ “injustice”, d’une technologie qui “imite et régurgite”, parle de justice et de baisse des revenus.
Une lettre directement adressée aux PDG d’OpenAI (Sam Altman), d’Alphabet (Sundar Pichai), de Meta (Mark Zuckerberg), de Stability AI (Emad Mostaque), d’IBM (Arvind Krishna) et de Microsoft (Satya Nadella). La voici, dans son intégralité :
“Nous, soussignés, attirons votre attention sur l’injustice inhérente à l’exploitation de nos œuvres dans le cadre de vos systèmes d’IA sans notre consentement, notre crédit ou notre compensation.
Les technologies d’IA générative basées sur de grands modèles de langage doivent leur existence à nos écrits. Ces technologies imitent et régurgitent notre langage, nos histoires, notre style et nos idées. Des millions de livres, d’articles, d’essais et de poèmes protégés par le droit d’auteur constituent la “nourriture” des systèmes d’IA, des repas sans fin pour lesquels il n’y a pas de facture. Vous dépensez des milliards de dollars pour développer la technologie de l’IA. Il n’est que juste que vous nous indemnisiez pour l’utilisation de nos écrits, sans lesquels l’IA serait banale et extrêmement limitée.
Nous savons que de nombreux ouvrages utilisés pour développer des systèmes d’IA proviennent de sites Web de piratage notoires. Non seulement la récente décision de la Cour suprême dans l’affaire Warhol c. Goldsmith indique clairement que le caractère hautement commercial de votre utilisation va à l’encontre de l’usage loyal, mais aucun tribunal n’accepterait de considérer la copie d’œuvres provenant de sources illégales comme un usage loyal. En intégrant nos écrits dans vos systèmes, l’IA générative menace de nuire à notre profession en inondant le marché de livres, d’histoires et de journalisme médiocres, écrits par des machines et basés sur nos travaux.
Au cours de la dernière décennie, les auteurs ont connu une baisse de revenus de 40 %, et le revenu médian actuel des écrivains à temps plein en 2022 n’était que de 23 000 dollars. L’introduction de l’IA menace de faire pencher la balance et de rendre encore plus difficile, voire impossible, pour les écrivains – en particulier les jeunes écrivains et les voix des communautés sous-représentées – de vivre de leur profession.
Nous vous demandons, à vous les dirigeants de l’IA, d’atténuer les dommages causés à notre profession en prenant les mesures suivantes :
- Obtenir l’autorisation d’utiliser notre matériel protégé par le droit d’auteur dans vos programmes d’IA générative.
- Compenser équitablement les auteurs pour l’utilisation passée et actuelle de nos œuvres dans vos programmes d’IA générative.
- Compenser équitablement les auteurs pour l’utilisation de nos œuvres dans les résultats de l’IA, que ces résultats soient ou non en infraction avec la loi en vigueur.
Nous espérons que vous comprendrez la gravité de nos préoccupations et que vous travaillerez avec nous pour garantir, dans les années à venir, un écosystème sain pour les auteurs et les journalistes.
“Open Letter to Generative AI Leaders”
Dans leur lettre, les auteurs demandent donc à être indemnisés et crédités, ainsi qu’à ce que les entreprises obtiennent leur consentement dès le départ pour utiliser leurs oeuvres.
“Les technologies d’IA générative fondées sur de grands modèles linguistiques doivent leur existence à nos écrits”, peut-on lire dès l’introduction de cette lettre. “Des millions de livres, d’articles, d’essais et de poèmes protégés par le droit d’auteur constituent la “nourriture” des systèmes d’IA, des repas sans fin pour lesquels il n’y a pas de facture. Vous dépensez des milliards de dollars pour développer la technologie de l’IA. Il n’est que juste que vous nous indemnisiez pour l’utilisation de nos écrits, sans lesquels l’IA serait banale et extrêmement limitée”.
Les auteurs poursuivent en expliquant que l’entraînement des intelligence artificielle génératives sur leur travail n’est pas seulement “illégal”, mais qu’il porte préjudice aux écrivains professionnels du monde entier.
“En intégrant nos écrits dans vos systèmes, l’IA générative menace de nuire à notre profession en inondant le marché de livres, d’histoires et de journalisme médiocres, écrits par des machines et basés sur nos œuvres”, poursuit la lettre.
S’il n’est pas sûr que cette lettre humidifie les yeux de Sam Altman et de Satya Nadella, on peut supposer qu’elle appuiera – au moins philosophiquement – les travaux en cours au niveau de l’Union Européenne pour produire une loi très contraignante encadrant les différents types d’IA – et la propriété intellectuelle des données sur lesquels ces IA sont formées.