Au procès antitrust que subit Google, une pièce du dossier dévoile les mots de son directeur financier, Michael Roszak, pour qui “la publicité est l’un des meilleurs business model jamais créés au monde”.
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La publicité : “L’un des meilleurs business model du monde” selon le VP of Finance de Google
Une légende veut qu’à son apogée, le trafiquant de drogue Pablo Escobar dépensait 2500 dollars par mois pour acheter les élastiques nécessaires pour faire des liasses de billets. Le trafiquant de cocaïne était si riche qu’il a été un temps septième homme le plus riche au monde.
Voilà le niveau de rentabilité que Google réussirait à retirer se son activité publicitaire, selon l’un des cadres de l’entreprise, d’après les informations de Bloomberg.
Michael Roszak, directeur financier (VP of Finance) de l’entreprise Alphabet (la maison-mère de Google), avait rédigé des notes pour une formation proposée par Google, en juillet 2017.
Dedans, il a écrit : “La publicité dans les recherches (search advertising) est l’un des meilleurs modèles économiques jamais créés au monde”, ajoutant qu’il n’existait que “des entreprises illicites (cigarettes ou drogues) qui pouvaient rivaliser avec ce type de business”. (en VO : “Search advertising is one of the world’s greatest business models ever created” et “illicit businesses (cigarettes or drugs) that could rival these economics.”)
L’activité de Google peut tout simplement “ignorer l’une des lois fondamentales de l’économie”, à savoir l’offre et la demande : Ce qui permet au géant américain “d’ignorer le côté demande de l’équation (utilisateurs et requêtes) et de se concentrer uniquement sur le côté offre des annonceurs”.
Pour Michael Roszak, les “investissements intelligents en matière de marketing et de distribution” de Google “pour diffuser son produit partout” l’ont mis dans une position telle qu’elle va à l’encontre même des fondamentaux : “nous aurions pu déchirer le manuel d’économie en deux”.
Une pièce à charge dans le procès antitrust que subit l’entreprise aux Etats-Unis
Les mots utilisés dans ce document, et qui émanent donc de l’un des plus hauts dirigeants de l’entreprise, sont un élément accablant pour Google/Alphabet dans le procès antitrust que subit actuellement l’entreprise aux Etats-unis, par le ministère de la Justice.
Le ministère estime que Google rémunère les navigateurs Web et les acteurs du marché des smartphones (dont Apple) depuis des années pour être et rester le moteur de recherche par défaut, et cherche à prouver que Google a eu recours ainsi à des tactiques anticoncurrentielles dans le but de maintenir sa position dominante. De son côté, Google nie ces allégations.
Michael Roszak a témoigné lors du procès, il y a plusieurs jours, mais le gouvernement a retiré pendant un temps l’accès public aux e-mails, aux graphiques et aux présentations internes, sur demande de Google. Finalement, l’administration a commencé à publier les pièces à conviction en milieu de semaine dernière, après que le juge Amit Mehta ait négocié un compromis pour créer une procédure pour leur publication.
Les notes avaient été écrites pour un cours sur les communications, selon Michael Roszak, mais il a déclaré qu’il ne se souvenait pas s’il avait fait une présentation sur le sujet, finalement. Il a aussi déclaré qu’il n’avait jamais diffusé ces notes à quelqu’un d’autre chez Google. Et pour lui, ses mots ont dépassé sa pensée, mais surtout dépassé la réalité, dans une logique d’exagération volontaire :
“Tout ce document est plein d’hyperboles et d’exagérations, car il n’y avait aucun objectif commercial associé, il faisait partie du cours de présentation et testait certains des conseils qu’ils y proposaient. Je dis des choses auxquelles je ne crois pas dans le cadre de la présentation de ce cours.”
Reste que les avocats de Google se sont opposés à plusieurs reprises à l’utilisation de ce document devant le tribunal, arguant qu’il ne s’agissait pas d’une affaire commerciale. Le juge Amit Mehta a accepté d’entendre le témoignage de Michael Roszak lors d’une séance à huis clos.
Un porte-parole de Google a aussi déclaré que ces mots ne reflétaient pas l’opinion de l’entreprise, et a noté qu’ils avaient été rédigées pour un cours de prise de parole en public dans lequel les instructions étaient de dire “quelque chose d’hyperbolique et attirant l’attention”. Le porte-parole explique d’ailleurs que même le témoin a déclaré qu’il ne croyait pas que ces affirmations étaient vraies.
Mais le juge Amit Mehta a décidé que la pièce à conviction serait admise au dossier, exprimant sa frustration que Google l’ait mis “dans le pétrin” en insistant pour que le témoignage de Michael Roszak se tienne à huis clos, alors qu’il s’agit d’un élément de contexte important :
“Cela ne contient rien de confidentiel. Je comprends que c’est quelque peu embarrassant pour le témoin.”
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“Ici, vous avez quelqu’un qui est le directeur des finances, qui, bien que lors d’une séance de formation, a pris la décision de faire une présentation simulée. Ce ne sont pas des déclarations qui sortiraient de sa timonerie.”
Le lendemain de la diffusion du document, les avocats de Google ont cherché à en faire retirer une partie, mais M. Mehta a rejeté leur demande, et déclaré qu’il allait lever les scellés sur la partie du témoignage de M. Roszak qui s’y rapporte.
Ce procès antitrust n’est que l’une des nombreux procédures judiciaires engagées contre Google, tant aux Etats-Unis que dans le monde : mi juin 2023, en Europe, Bruxelles accusait Google d’avoir “abusé de sa position dominante” dans les technologies d’affichage publicitaire en ligne, menaçant le groupe américain de devoir céder “une partie de ses services” dans ce domaine.
L’Europe accuse Google d’avoir abusé de sa position dominante dans le domaine de la publicité en ligne. L’enquête en cours par Bruxelles doit permettre d’évaluer si l’entreprise doit se séparer d’une partie de ses services.