Une offre d’emploi au salaire très élevé, qui laisse un goût amer aux acteurs et scénaristes, actuellement en grève face aux dangers de l’intelligence artificielle dans ce secteur d’activité.
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La finance, ce milieu de gagne-petit
C’est une offre d’emploi qui pourrait bien ne pas passer inaperçu.
Oubliez la finance dérégulé, le capitalisme sauvage, et vos ambitions de carrière chez Blackrock pour sauver le monde vous en mettre plein les poches – du pognon jusqu’aux yeux. L’avenir des jobs bien payés s’oriente désormais… vers l’intelligence artificielle. Sans surprise, certes. On sera quand même content d’apprendre que des gens capables de produire des choses concrètes sont plus attractifs – et donc mieux payés – que des banquiers de fonds vautours.
Car Netflix vient de publier une nouvelle offre d’emploi : le géant du streaming recherche son expert en “Machine Learning” et “Artificial Intelligence”. Deux axes qui “alimentent l’innovation dans tous les domaines de l’entreprise”, notamment dans les contenus proposés aux utilisateurs, mais aussi dans le choix des programmes “à acheter et à créer”.
Des axes qui passent par la “Machine Learning Platform” (ou MLP, pour plate-forme d’apprentissage automatique en français), une plateforme technique centrale dans l’entreprise sur ces sujets.
Un responsable en Machine Learning recherché par Netflix, pour une rémunération pouvant atteindre 900 000 dollars annuels
Et c’est le responsable de cette MLP qui est recherché par Netflix.
Un responsable qui aura de lourdes tâches, allant de la définition de la vision stratégique de la MLP aux résultats, en passant par les outils de mesure, et la définition des objectifs. Entre autres. Un rôle stratégique pour lequel Netflix est prêt à payer cher, très cher : l’entreprise propose une fourchette salariale comprise entre 300 000 et 900 000 dollars comme base de négociation.
Un salaire élevé, mais qui reste dans les standards du marché pour un poste de ce niveau d’importance : une responsabilité stratégique centrale à un poste technique clef d’une des plus grandes entreprises d’un secteur d’activité majeur. D’autant que les experts en ML capables de présenter une “expérience de leadership démontrée”, une “excellentes compétences en communication écrite et capacité à présenter du contenu technique à des publics non techniques”, mais aussi une capacité à “participer aux discussions stratégiques”, c’est rare. Très rare.
Envie de postuler à ce poste de “Product Manager – Machine Learning Platform”, et de proposer vos compétences en contrepartie d’un salaire qui pourrait titiller le million de dollars à l’année (prend ça, Mbappé) ? C’est par ici : https://jobs.netflix.com/jobs/278437235
Une offre mal reçue par le milieu du cinéma américain
Sauf que cette offre tombe en pleine grève hollywoodienne majeure. Et que le niveau de salaire semble trop élevé, même pour des américains. Et l’objet du poste n’est pas franchement vu d’un oeil plus bienveillant.
Le syndicat des acteurs américains a rejoint récemment celui des scénaristes, en grève depuis mai dernier : une première depuis plus de 60 ans. Et les deux syndicats exigent de meilleurs salaires, et des réglementations strictes sur l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Pour comparer, au sein du plus grand syndicat d’acteurs d’Hollywood SAG-AFTRA (environ 160 000 acteurs de cinéma et de télévision) 87% des acteurs gagnent moins de 26 000$ par an. Soit environ 27 fois moins que les 900 000 dollars que pourrait gagner cet expert en Machine Learning, qui sera aux manettes de la plateforme d’intelligence artificielle de Netflix.
Rob Delaney, connu pour avoir joué dans l’épisode de la série Black Mirror “Joan est horrible”, a commenté cette offre et la situation dans The Intercept :
“Donc, 900 000$/an par soldat dans leur armée d’IA impie alors que ce montant de revenus pourrait qualifier trente-cinq acteurs et leurs familles pour l’assurance maladie SAG-AFTRA, c’est tout simplement macabre.
Ayant été pauvre et riche dans ce métier, je peux vous assurer qu’il y a assez d’argent pour tout le monde ; c’est juste une question de priorités.”
Le capitalisme sauvage se trouve peut-être aussi ailleurs que dans la finance…