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Sam Altman se moque de Grok, Elon Musk lui répond


Les anciens partenaires Sam Altman et Elon Musk ont à nouveau eu un échange tendu sur Twitter, le premier se moquant de la nouvelle IA du deuxième, Grok.

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Le combat de l’IA

Difficile de savoir si Sam Altman sera un jour l’homme le plus riche du monde, mais le co-fondateur et CEO de OpenAI a quelques cartes en main.

Outre qu’il est à la tête de la plus crédible des entreprises développant des technologies d’intelligence artificielle (OpenAI développe ChatGPT, GPT-4, Dall-E, ou encore Whisper…), @sama est aussi un ancien créateur de start-up à succès (Loopt, lancée en 2005 et vendue 43 millions de dollars en 2012).

Un entrepreneur qui a aussi un passé de dirigeant d’incubateur de start-up (Y Combinator, de 2014 à 2019), où il a lui-même été l’un des tout premiers jeunes ambitieux, dix ans plus tôt. Il a aussi lancé Hydrazine Capital en 2012 avec son frère Jack Altman, un fonds d’investissement.

Être à la tête de l’entreprise la plus prometteuse de la technologie la plus prometteuse des vingt prochaines années, en ayant soi-même un bagage de créateur de start-up, de fonds d’investissement, de coach pour entrepreneur et en ayant eu à juger (et financer) des centaines de business model dans sa vie peut probablement aider à devenir l’homme le plus riche du monde.

Mais pour le moment, Sam Altman ne possède aucune action de OpenAI, et ne fait donc pas progresser sa fortune personnelle en développant la valeur d’OpenAI, qui pourrait dépasser les 100 milliards de dollars dans les prochains mois.

Personne ne doute cependant que si Altman souhaitait obtenir des capitaux d’OpenAI, il le pourrait (il l’évoque d’ailleurs ici), et personne ne doute non-plus qu’il transformera d’une manière ou d’une autre les technologies d’IA de son entreprise en une manne financière conséquente dans les prochaines années.

Mais les rivaux ont de féroces appétits sur le marché de l’IA.

Outre les mastodontes hégémoniques qui exterminent la concurrence en éliminant à coups de milliards toute option d’alternative sur leurs marchés depuis vingt à trente ans (Microsoft, Google), l’ancien partenaire Elon Musk souhaite lui aussi jouer un rôle de premier plan dans le futur proche de l’IA.

Elon Musk avait travaillé autour des ambitions de DeepMind dès 2012, et souhaitait que la jeune pousse prometteuse ne rejoigne pas Google. En vain, Demis Hassabis et Mustafa Suleyman vendent la plus ambitieuse des start-up IA de la dernière décennie à Google en 2014, contre 628 millions de dollars. Le premier y travaille toujours, le second a récemment créé Inflection AI, qui édite Pi, un étrange rival de ChatGPT (voir notre test).

Alors, Elon Musk a lancé sa propre start-up d’intelligence artificielle, qui devait être open source et à but non-lucratif : en 2015, il crée OpenAI, avec… Sam Altman. Les divergences créent rapidement les conflits, et Elon Musk quitte finalement OpenAI en 2018.

Quatre ans plus tard, OpenAI dévoile au grand public ChatGPT.

Une IA qui impressionne, mais qui laisse aussi perplexe : OpenAI a paramétré ChatGPT pour être particulièrement tendre avec les minorités et les personnalités assimilées à gauche, et sévère avec les blancs, les occidentaux et globalement les personnalités assimilées à droite.

Au point que Elon Musk qualifie le produit de Woke GPT :

À cette époque, Elon Musk annonce alors ses intentions de lancer une nouvelle start-up d’intelligence artificielle, qui viendrait rivaliser avec OpenAI en n’intégrant pas le “biais woke”.

Plusieurs mois passent, et xAI est finalement lancée, au début de l’été 2023. Quelques jours plus tard, Elon lève le voile sur ses ambitions et sur l’équipe (impressionnante) qu’il a réussi a construire pour réaliser ses ambitions.

D’autant qu’Elon Musk détient aussi une autre entreprise qui développe des technologies d’IA de pointe dans d’autres domaines : Tesla, et son superordinateur Dojo. De plus, Tesla souhaite aussi utiliser l’IA pour animer des robots humanoïdes à moyen terme.

De xAI à Grok

Une décennie d’ambitions, des moyens illimités, un amour déçu devenu un rival orgueilleux à déloger, et une structure existante qui offre toutes les bases techniques et technologiques : Elon Musk a en main les meilleurs atouts pour aller vite et compenser son retard.

Trois mois plus tard (seulement), Musk dévoile la première intelligence artificielle de xAI, nommée… Grok.

Un nom qui sonne comme celui d’un créature maléfique peu portée sur les capacités cognitives, tel un troll des cavernes ou un orque armé d’une massue. D’après Le Monde, Grok est “une référence à un terme d’argot en informatique, inspiré d’un roman de Robert Heinlein, désignant une compréhension profonde et instinctive”.

Comme ChatGPT (ou Bard), Grok est une intelligence artificielle générative qui produit du texte via un chatbot. La principale différentiation de Grok est qu’il (ou elle ? ou iel ?) est développé aussi sur le corpus de connaissance de Twitter.

Là où Bard réutilise globalement tous les contenus publiés sur internet et référencés par Google (ce qui ressemble beaucoup à du vol), et ChatGPT sur un corpus mixte, mêlant également une très (très très) grande partie des contenus d’internet à une base comptant pour l’essentiel des siècles de livres divers et variés (dont beaucoup de modernes qui sont toujours sous licence).

Grok est le produit issu du LLM Grok-1. Avant lui, xAI avait créé Grok-0, un prototype avec 33 milliards de paramètres. Sur diverses évaluations, Grok-1 serait meilleur que LLaMa 2, le dernier LLM open source de Meta (Facebook) :

Et si xAI admet sans difficulté que Grok est très loin des performances de GPT-4 (actuellement le meilleur modèle du marché), la start-up se montre très fière de surpasser déjà GPT-3.5, qui équipe la version gratuite de ChatGPT.

Sam Altman se moque de Grok

Les bons résultats du premier produit créé en trois mois par un ancien partenaire devenu rival peuvent-ils empêcher les dirigeants d’OpenAI de dormir la nuit ? Il semble que Sam Altman n’ait pas particulièrement accusé le coup.

Le 10 novembre, quelques jours après que Musk ait dévoilé Grok, Altman publiait sur Twitter une capture d’écran d’un Chatbot nommé Grok, qu’il aurait lui-même créé avec la nouvelle fonction “GPTs” dévoilée quatre jours plus tôt lors des OpenAI DevDay.

Pour créer sa version parodique de Grok, le CEO de OpenAI a donné comme instructions : “Be a chatbot that answers questions with cringey boomer humor in a sort of awkward shock-to-get-laughs sort of way.”. Soit en français : “Je veux que tu sois un chatbot qui répond aux questions avec un humour de boomer gênant, qui fait des grosses blagues lourdes”.

Elon Musk lui répond

Elon Musk a très vite réagi, et a commenté sous la provocation de son ancien associé. Il évoque l’absence totale d’humour de GPT-4, la “censure” imposée par OpenAI, et finit avec une envolée lyrique qui semble directement parodier le “cringey boomer” de Sam Altman :

“GPT-4 ? Plutôt GPT-Snore ! En matière d’humour, GPT-4 est aussi drôle qu’une porte blindée sur un sous-marin.

L’humour est clairement interdit chez OpenAI, tout comme les nombreux autres sujets que l’entreprise censure.

C’est pourquoi elle ne pourrait pas raconter une blague si elle avait un putain de manuel d’instruction. C’est comme un comédien avec un bâton tellement enfoncé dans le cul qu’il peut goûter l’écorce !

[Grok roast GPT-4]”

Les hostilités entre Elon Musk et Sam Altman se poursuivent donc, alors que la guerre de l’IA ne fait que commencer, et que le leader d’aujourd’hui n’est pas certain d’être celui de demain.

Pour en savoir plus sur Grok : https://x.ai/